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Œuvres d'art et statues dans la ville

Bun-Sireix - Monument aux Morts

Sous l’excellent titre « Le dormeur du Val d'Azun », un superbe article de Pierre Challier paru dans La Dépêche du Midi le 8 novembre 2009 :

Le cimetière et son Monument aux Morts - photo 2009.

« 11-Novembre. Le monument aux morts de Bun-Sireix gardait un secret au fond d'une urne : la terre des champs de bataille où sont tombés les enfants du pays…


C'est un poilu… imberbe. un gosse de 20 ans qui dort, roulé dans son drapeau, mains croisées sur la poitrine. Bleu horizon verdi par le temps, couleurs passées au fil des saisons derrière la vitre de sa maisonnette plantée au cœur du cimetière… Ce qui le rend sans doute encore plus émouvant, ce gisant de la Grande Guerre, à la pâleur de cire, désormais. Mais pas seulement… Car, à bien le regarder, il est définitivement singulier, son monument aux morts du petit village de Bun, aux faux airs de chapelle. Parce que, chose rarissime, il réunit les disparus de deux communes, les noms de ceux de Sireix y étant inscrits aussi.

Parce qu'un long poème y encadre un autre poilu agenouillé devant le Christ et qu'il s'y lit :


Des morts n'ont pas de croix

Des croix n'ont pas de noms

Songez à tant de morts

Broyés par les canons…


Douze Sachets

Mais aussi parce qu'il y a cette urne au pied de la statue. Cette urne qui a bouleversé le petit village du val d'Azun, l'an dernier, lorsque la municipalité a décidé de restaurer le monument.


« Tout le monde la connaissait, mais personne ne savait ce qu'il y avait dedans. C'est en l'ouvrant qu'on a découvert tous ces sachets, en septembre 2008 », résume aujourd'hui Marcel Cazajous, le maire de la commune. L'émotion encore palpable, un an après, lorsqu'il décrit ces douze sachets auxquels avait été soigneusement cousu un papier portant le nom d'un mort de Bun, d'un mort de Sireix et le champ de bataille où il était tombé. La terre de ce champ de bataille étant dans le sachet…


Dominique Hourques, le premier, le 17 septembre 1914, à Pontevert ; Jean-Marie Coues, quatre jours plus tard, à Ouiches ; Jean-Pierre Four-Pome en décembre, à Vassognes ; Joseph Patrie, disparu au combat ; Étienne Garcie, décédé de ses blessures… Toute l'horreur de " 14-18 ", du sang versé, résumée là… et « bien sûr que ça m'a causé une réelle émotion. Comme tout le monde au village, j'y avais aussi un parent, Jean-Pierre Four-Pome. Et puis, ce symbole de la terre, ça fait froid dans le dos, ça a un pouvoir évocateur très fort. Alors, dans ce moment-là, j'ai pensé qu'ils avaient beaucoup souffert pour nous et pour la liberté de la France », poursuit Marcel Cazajous, dont le grand-père, Marcelin, était également maire en " 14 ", lorsqu'il a dû partir. Pour revenir au village, gazé, et y mourir en 1925. Terre des paysans, terre qu'on défend, terre du sang versé, terre lourde de toute cette mémoire enfouie, soudain, à la main… mais terre arrivée là comment ? « Pour nous, c'est toujours le grand mystère », constatent Bernard Peluhet, maire-adjoint et sa femme Maïté, passionnés par l'histoire. Douilles d'obus de 75 gravées d'un Verdun sur la cheminée… chez lui aussi l'héritage de " 14 " est resté bien présents tandis qu'on prend le café. Et que tous s'étonnent « qu'aucun des anciens combattants n'en ait jamais parlé ? » Bref, pourquoi ce secret ? « La seule chose que j'ai entendue, c'est une fille de mon âge que sa grand-mère emmenait se recueillir devant le monument en lui disant qu'il y avait là des cendres », pointe Maïté.


L'écriture de l'abbé

D'où les questions qui demeurent. Sur cette étonnante absence de tradition orale. Sur le rôle de l'abbé Lousteau, aussi. Car d'après l'écriture, c'est lui qui a mis ces sachets dans l'urne, pensent Marcel Cazajous et Bernard Peluhet. « Ce qui expliquerait qu'il y ait aussi les morts de Sireix chez nous, puisqu'il était curé des deux paroisses ». Mais quant à savoir comment est arrivée là cette terre marquée par le carnage, le sang des paysans sacrifiés par un état major qui " consommait " de l'humain en boucher… Savoir « si l'abbé Lousteau s'est fait envoyer cette terre par les curés des paroisses de champs de bataille ou s'il a profité de la proximité de Lourdes et des pèlerinages pour se la faire redescendre ? » . Le mystère restera. Renforçant pour longtemps le souvenir, la mémoire de " ceux de 14 ", face au dormeur du Val d'Azun. »

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