Œuvres d'art et statues dans la ville

Cauterets - stèle en hommage

à Prosper Demontzey

Revenir à la page "Art dans les Hautes-Pyrénées". Accueil.

Le monument Demontzey se trouve sur la route menant au Pont d’Espagne. Prendre un petit chemin un peu plus haut que la cascade du Cerisey (photo ci-contre).

Au bout d’une centaine de mètres, on arrive au pont du Cerisey. Le monument est bien caché à gauche avant le pont, dans un petit bois. On pourrait passer des dizaines de fois sans le remarquer.

Le monument se compose d’un médaillon et d’une plaque.

Le médaillon est signé par l’Ecole Nationale d’arts et Métiers d’Aix. On peut supposer que le monument a été installé un peu après la mort de Prosper Demontzey qui est survenue en 1898. La plaque a été fondue par les établissements Capdeville de Pau. Le Monument n’est pas placé là par hasard, c’est le pied de la montée vers le Péguère, juste après le pont.

Demontzey est surtout connu pour avoir reboisé et consolidé la montagne du Péguère et ainsi sauvegardé la ville de Cauterets et ses établissements thermaux des nombreux éboulements et chutes de rochers.

Un article passionnant, paru sur le forum e-train.fr (auteur renato.bassin), nous en apprend énormément sur ces travaux titanesques :

Un tout petit peu d’Histoire :

Comme mentionné dans l’autre fil de PN21, ce petit bout de France se nomme le Péguère. Un pic majestueux qui se dresse fièrement lorsqu’on arrive à Cauterets par la route, et qui domine toute la ville, plongeant Cauterets dans l’ombre durant les courtes journées d’hiver. Ce pic est à la confluence de plusieurs vallées : le Lutour et le Marcadau/Gaube. Il faut alors imaginer les Pyrénées beaucoup plus hautes qu’à l’époque actuelle. Les glaciers de jadis vinrent y buter, raclant et déposant là des moraines latérales granitiques, écrasant et les imbriquant dans tout ce qui se trouvait en dessous. L’ensemble demeurant fragile… Les orages y sont fréquents, et la foudre est un hôte habituel de ces lieux… De plus, dès le XVII° s., pâturages et déforestations (pour utilisation du bois) n’arrangèrent pas les choses. Cette montagne constituait aussi une réserve de glace : un des petits métiers de l’époque consistait à aller chercher, à dos d’homme, des blocs de glace dans une combe, appelée depuis "La Glacière", pour alimenter les commerces de Cauterets : conservation de la viande, confection de sorbets etc. Mais cela est une autre histoire.

Les origines et le pourquoi des travaux :

En avril 1884, de gros blocs se détachent du sommet (voir flèches rouges dans le document ci-dessus), dégringolant dans la vallée, et menaçant les bâtiments construits là, fort imprudemment (les Thermes du Sud de la Raillère, et Mauhourat). A cette époque, on n’était pas trop regardant sur les permis de construire... Des paillottes avant l’heure, en somme ! (mais sans les bidons d’essence). On savait que cette zone était sujette aux chutes de pierres, mais on n’y prêtait pas trop attention, considérant ces événements comme habituels, voire mineurs. La Raillère tient d’ailleurs son nom de cette particularité : eth arailhè det péguèra : les pentes pierreuses du Péguère, de part et d’autre de la route. La Commission Syndicale de la Vallée, devant la grosseur inhabituelle des blocs et l’ampleur des financements nécessaires, fit voter la cession d’une grande partie du versant Nord Est du Péguère à l’Etat (290 hectares environ), afin que les travaux puissent être pris en charge par l’Etat (30 mai 1884). Cette forêt est toujours de nos jours Forêt Domaniale (grand liseré vert vif sur la carte IGN). Et les effondrements sont toujours d’actualité, au moins sur le chemin d’accès. Plusieurs projets furent proposés et étudiés, sur lesquels je passe.


Le projet retenu : celui de Prosper Demontzey :

Louis Gabriel Prosper Demontzey (1831-1898) était un ingénieur français des Eaux et Forêts, précurseur du reboisement en montagne et de la lutte contre l'érosion des torrents. Une stèle au pied du Péguère commémore son travail. Il est l'instigateur du service de la Restauration des Terrains en Montagne (R.T.M.) au sein de l'administration des Eaux et Forêts et a très grandement contribué au reboisement de massifs montagneux. Ses travaux furent reconnus jusqu'en Autriche, où ils furent traduits. Il est l'auteur de divers traités de reboisement, et notamment en 1886 de L'application de la Photographie aux Travaux de Reboisement, qui instaure le recours systématique de l'outil photographique par les services RTM (appareils photos à plaque), ce qui nous a valu une iconographie assez riche des travaux entrepris au Péguère (plus de 150 photos). En outre, depuis les lois de Napoléon III, de juillet 1860 (amendées et renforcées en avril 1882) sur les reboisements en montagne, et le petit faible que la reine Hortense avait eu pour les Pyrénées, et Cauterets en particulier, Demontzey avait les coudées franches pour faire le nécessaire, quel qu’en fût le coût. Une maquette des travaux entrepris au Péguère (et aussi ceux du Bourget et Riou Bourdoux) se trouva exposée à l’Exposition Universelle de Paris en 1889, et fit forte impression. Presqu'autant que le petit train Decauville !... En pleine époque pyrénaïco-romantique, il n’en fallut pas plus pour que de fortunés visiteurs / curistes vinssent à Cauterets visiter le chantier ! C’est peut-être là une des explications à la photo postée par PN21 dans l’autre fil, dans laquelle on voit des gens très chics.

L’idée de Demontzey est de stabiliser le terrain. Pour ce faire, il propose de reboiser : faisable en contrebas, mais difficile plus au sommet. Il propose donc de recouvrir les terrains pierreux instables d’une couverture végétale : du gazon ! Ou plus exactement, des pelouses herbeuses, étagées, et reposant sur des gradins, ou corniches.


Les travaux :

Un chemin d’accès fut construit, serpentant sur le flanc SE en 78 lacets, toujours numérotés ! Même si on peut regretter que ce beau chemin ne fasse plus l’objet d’autant d’attentions que par le passé, devenant de plus en plus broussailleux. En 1885 et 1886, un abri pour les ouvriers du chantier fut construit, détruit par un effondrement puis reconstruit et agrandi. En mai 1886, commencent les travaux d’empierrement de la combe : murs de soutènement en pierre sèche (pas ou peu de mortier, permettant ainsi l’écoulement des eaux et limitant les effets du gel), bandes de pépinière (= corniches ou balcons herbeux) en vue du reboisement et de l’engazonnement. C’est le début de la construction des murs cyclopéens que l’on peut toujours voir là-haut de nos jours. Les ouvriers utilisent et taillent la pierre alentour, transportant les blocs à la main, ou par un petit téléphérique, toujours entretenu par les techniciens RTM. La pelouse est prélevée sur l’autre versant, le versant Nord Ouest, côté Cambasque, naturellement herbeux et moins pentu (mais tout aussi dangereux en randonnée). Des carrés d’herbes (50x50cm, 15 cm d’épaisseur, 20 kg environ) sont découpés et transportés à la main vers la combe Nord Est, pour être replantés sur les corniches en construction.


L’arrivée du "Chemin de Fer" (enfin !) :  

On s’aperçut assez rapidement de la pénibilité de ce travail, et surtout du faible rendement. L’idée vint alors en 1888 d’utiliser une voie de chemin de fer pour transporter ces plaques d’herbe : le chemin pour amener ce matériau d’une combe à l’autre était relativement plat. On utilisa des rails et des wagonnets Decauville : voie entièrement métallique de 50 cm de large, estampillés Decauville S Patent. Les wagonnets sont d'un modèle plat de 130 kg... Tout fut amené en pièces détachées et assemblé sur place. Un freinage fut même bricolé, car il y avait quand même une déclivité sur certaines parties de la voie. Des tronçons de rails subsistent encore là-haut de nos jours… Le chantier s’acheva en 1892, le danger était désormais écarté. D’ailleurs, dans leur grande sagesse, les responsables des bains thermaux de La Raillère avaient déjà entrepris des travaux d’agrandissement des thermes trois ans auparavant…

Revenir à la page "Art dans les Hautes-Pyrénées".